Un Webcomic « politiquement incorrect ».
Sabrina Online est le webcomic imaginé et dessiné par Eric W. Schwartz, depuis 1996. Le personnage principal en est une « skunkette » à lunettes, décrite comme une artiste et une « accro d’informatique ». Déclinée sous forme de strips hebdomadaires, cette série – essentiellement à vocation comique – est certainement l’une des plus célèbres du genre chez les Furries.
Les premiers gags de Schwartz tournent essentiellement autour des déboires que Sabrina connaît avec son matériel. Mais, très rapidement, il insère dans sa série Amy Squirrel (la co-locataire de Sabrina) et son histoire d’amour avec Thomas Woolfe. En quelques dizaines de strips, Schwartz développe ainsi une sorte de sitcom, centré autour du couple Amy-Thomas partageant son appartenant avec Sabrina… Cette dernière recherchant elle-même des nouveaux amis par le biais d’Internet ! C’est ainsi qu’elle finit, d’ailleurs, par découvrir l’être aimé en la personne de Richard C. Raccoon, un raton-laveur aussi timide qu’elle.
La série prend un tournant décisif en 1999, quand Schwartz décide d’y introduire Zig Zag, un personnage créé par Max Black Rabbit. Sabrina perd son premier emploi, et se retrouve engagée comme graphiste aux Double Z Studios, une maison de production de « films pour adultes » (cf. strip 80) ! Schwartz forme ainsi l’un des duos comiques les plus originaux et, aussi, « politiquement incorrect » de l’histoire de la BD. En effet, rapidement, Zig Zag se montre attirée par sa nouvelle employée, au point de – littéralement – la harceler sexuellement ! De son côté, au cours des premiers temps, l’innocente Sabrina apparaît souvent effrayée et troublée par ce qu’elle découvre dans les studios. Sans compter qu’elle doit également endurer les « tentatives de séduction » de sa terrible patronne !
Par la suite, Sabrina s’accomode plutôt bien de sa situation. D’autant plus que Zig Zag n’a pas que des mauvais côtés, et semble constamment faire preuve d’une grande générosité vis à vis de ses employés. Malheureusement, la bonne fortune de Sabrina paraît également s’accompagner d’un affaiblissement de la série. Le personnage principal, sans argent et sans amour au début, fait actuellement presque figure d’« enfant gâté ». Schwartz semble avoir oublié que les gens heureux n’ont pas d’histoires ! Bref, même si la série reste souvent drôle, on peut s’interroger sur son futur, étant donné que l’évolution des mésaventures de Sabrina semble bloquée.
Toutefois, le bref résumé, ci-dessus, ne tient pas compte des nombreuses interventions d’autres personnages. En effet, Schwartz a progressivement introduit dans Sabrina Online maints « seconds rôles », dont il serait injuste de ne pas parler. Citons, entre autres, Tabitha (la petite sœur de Sabrina), Warren et Endora (ses parents), Timmy (le bébé d’Amy et Thomas), Carli Chinchilla (une amie dont Sabrina a fait connaissance sur Internet), Spike Wolf (le mari de Carli), etc. Contentons-nous d’ajouter que Schwartz lui-même se met quelques-fois en scène, sous la forme de son « fursona » (un écureuil vaguement ventripotent). Bref, l’univers de Sabrina Online est étonnament riche, au point que le lecteur qui n’a pas lu tout les strips depuis le début risque de ne pas y comprendre grand chose !
Le secret du succès de Sabrina Online repose sur plusieurs éléments dont le premier, sans doute, est son ton et son esprit très particuliers. Comme la plupart des créateurs de webcomics, Schwartz bénéficie d’une grande indépendance vis-à-vis du contenu de sa série. Aussi, en a-t’il largement profité pour donner libre cours à son imagination… Enfin presque, car il s’impose manifestement certaines limites ! Sabrina Online combine joyeusement un humour d’« accros d’ordinateurs » (schwartz s’adressant d’abord à un public d’internautes) avec des éléments qui paraissent sortis de romans à l’eau de rose.
A ce mélange, déjà assez inhabituel, il glisse de fréquents gags à connotations fortement sexuelles. Toutefois, la grande force de Schwartz est d’avoir un réel talent de dialoguiste et de rester – du moins, le plus souvent – dans le registre du sous-entendu. Graphiquement parlant, on note la même prudence et il parvient à ne jamais sombrer dans les turpitudes du clairement explicite. Le lecteur aurait beau décortiquer toutes les cases de la série, il chercherait en vain le moindre détail compromettant. Et pourtant, les situations exposées dans bon nombre de strips auraient pû faire bifurquer la série vers une direction bien plus « licencieuse » !
Et, de fait, même si ses personnages restent relativement « sages » dans Sabrina Online, Schwartz ne s’est pas gêné pour en représenter certains dans des mises en scène érotiques (ou même carrément pornographique). Du coup, il se classe dans la catégorie des rares auteurs de bandes dessinées comiques qui dévoilent la vie sexuelle de ses personnages… Même si cela se réalise dans des productions totalement externes à Sabrina Online ! De plus, précisons que Schwartz se refuse à trop en montrer sur les moments d’intimité de son principal personnage. Cet interdit a même été étendu aux artistes admirateurs de l’œuvre de Schwartz : Sabrina peut être dessinée, certes, mais jamais dans des situations trop « yiffy » !
Sabrina Online a fortement influencé bon nombre d’artistes furry, à commencer par le talentueux Max Black Rabbit. Ce dernier a d’ailleurs créé son propre webcomic (Sabrina@Algonquin) où il place la skunkette de Schwartz dans un contexte différent de la série originale. Max Black Rabbit s’y représente sous la forme de son « fursona » (un lapin noir, évidemment), amoureux malchanceux de Sabrina et éternellement éconduit. Schwartz répondit à cet hommage humoristique en introduisant, dans son propre webcomic, le « Bunnyman » (un admirateur secret). Rappelons qu’un peu plus tard, en introduisant également Zig Zag dans sa série, Schwartz offrira une publicité appréciable à Max dont la carrière débutait.
A la fois adulé et dénigré – comme tout phénomène d’une certaine ampleur – Sabrina Online est incontestablement l’un des piliers fondamentaux de la « culture furry ». Il a été traduit en plusieurs langues (dont l’Epagnol, l’Allemand et le Français), ce qui confirme la portée internationale de ce webcomic. Et il est révélateur qu’en France, dans les pages du magazine
Animeland, David « Madox » Siegl cita Sabrina comme étant « l’un des meilleurs comics furry online » (Voir
Furries et Kemono, dossier publié dans le n° 106 de novembre 2004).
Le texte ci-dessus est © Lord Foxhole – Mars 2006.