
Assis sur ce trépied à trois pieds, je m’amuse à me divertir en écrivant, de façon graphique, l’expression concrète de mon ennui, qui lui, est peu divertissant.
Eh oui, j’aime mettre plein de figures de style, vous savez, depuis quelques années, depuis que je les apprises même, je ne peux guère m’en passer, même en pleine conversation avec des collègues de bureau, hop, un petit oxymore pour montrer mon état partagé.
Ah, les souvenirs…pas mal emmerdant quand c’est pas les siens hein ? De toutes façons, vous me lisez, pourquoi devrais-je faire des efforts pour vous retenir ? Pour vous donner envie de lire la suite me direz vous. Pour vérifier la subtilité que j’aurais pu mettre à la tâche, la tête entre les mains, le dictionnaire de synonymes sur les genoux, le bottin à la page des « De ».
Non mais, vous m’avez pris pour un zouave ? Je ne suis pas là pour vous raconter ma vie, quand j’ai ouvert la porte trop rapidement, et que la poignée est restée dans ma patte, ou même hier : il y avait un rat dans la rue, un roumain, dans la trentaine, mauvais air, yeux explosés, narines poudrées au blanc, avec une caisse à oranges sous les fesses qui demandait aux passants de l’argent pour manger, je crois. Et ben moi, toujours là pour combattre la misère, je lui paye un sandwich à la cafétéria en face de la fontaine de Saint chose : T’aurais dû voir sa tête, un mélange de reconnaissance et de dédain, j’avais jamais vu ça. Bon, j’ai quand même fini par lui donner 10 balles pour sa daube, le pauvre, il a le droit de s’amuser un peu, surtout vu là où il vit…hé, je n’aurais pas tenu une semaine à sa place. Avenue des glycines qu’il était, à l’angle de l’hôtel de ville, avec vue sur le parc de la poste, haha, un parc. Ca devrait avoir des arbres pour porter ce titre. Non mais, tu y crois toi, une ancienne salle polyvalente, brûlée en 40 par les Allemands, bourré de femmes et d’enfants que c’était, des polonais surtout…quand il y a une histoire pareille derrière une ville aussi paumée, on fait construire un mémorial, une statue, un musée de la guerre même. Que dalle, un parc. Cent mètres carrés de boue avec deux tourniquets, une douzaine de bancs plantés autour d’un bac à sable monopolisé par les petites vieilles avec leur pain de la semaine passée…pas une stèle.
Merci qui ? Merci Abbasi ! Non mais je rêve…un chacal de quarante ans, qui maîtrise pas la langue, ça passe pas préfet en claquant des doigts… tu veux que je te dise ? Je mettrais ma patte à couper qu’il y a du rouge derrière tout ça. Qui c’est ? Personne ne sait, on en entend parler sans arrêt dans la rue : « Abbasi à fait fermer la piscine municipale » ; « Abbasi à fait augmenter le prix des tickets de bus de moitié », je ne savais même pas que ça avait ces pouvoirs un préfet…Il a comme déculturisé notre ville, j’en perd mon Latin. Non mais franchement, un chacal ! Je ne suis pas xénophobe mais il faut arrêter de déconner, le partage des cultures c’est bien sympa, mais à partager sa culture avec un pays qui n’en a pas, on finit comme des cons, c’est sûr. Enfin, tout ces clochards dans la rue… il aurait mis en place un service d’aide aux sans abris. Les croûtes au loyer minimum, il les aurait fichues derrière le bois, pas au milieu.
Tu ne t’en fiches pas j’espère ? Non, parce que c’est absolument tout ce que j’ai à raconter ce matin, l’histoire de la porte et celle du clodo.
Oh ! suis-je con.
Je me présente, Siegfried.K Coontail, 36 ans, loup gris (mais pas grisonnant), cheveux blancs (né brun), yeux bleus, 80 kg pour 1m92, il est aussi intéressant de noter que contrairement à certains hybrides raton-lupien (Procyon-lupus : C’est pas de moi, trouvé dans le dico le jour de la rédaction de mon Curriculum), qui récupèrent le masque et tout le tralala, je n’ai hérité que de la queue de mon père, ce qui fait de moi un mélange certes hétérogène, mais bien calculé.